Sous le Signe de la Voie Lactée
La Porte du Nord
Toi, porte de l’éveil
Toi seule digne de m’apprendre à implorer, à travers mes larmes dans la joie, enfouies, j’ai pu compter tes lumières que je pensais éloignées.
Pourtant, mes yeux n’ont pas encore appris à te voir, car je ne saisis ni ton étendue ni ta proximité, ton incessant miracle bienfaisant.
Quelques pas, autant de pèlerinages, une multitude de chemins pour m’approcher des marches qui m’élèvent vers toi, vers le jardin d’où jaillit la source, sourire qui est l’aître de la reconnaissance, de la rencontre.
Tant de carrefours, tous ceux que j’ai croisés, battements d’ailes d’anges qui s’ignorent.
En moi, la mémoire vague d’avoir passé des moments nourri à ton sein.
De toute cette profusion de scintillements, un seul point blanc qui m’éclaire les pas pour franchir la distance brûlante qui paraît me séparer de toi et me tient en grande détresse, tant j’ai besoin de te toucher.
Un seul point blanc me suffirait pour que je sois en toi et toi en moi.
De toi vient cette étrange pluie
Comme il pleut chiens et chats ,
des clous, des seaux, des chaussures, « des moules radioactives. »
Survient ce frisson, qui cherche à pénétrer mon feu caché, à l’éveiller à l’animer.
Étrange pluie si lente, si morose.
Toute ma vie, il a plu des Soleils d’Orient et si souvent j’étais la tête en bas, absent, distrait, troublé, puéril.
Ces aubes, ces couchants aussi.
Heures entre chiennes et louves.
Présence de tes étoiles annoncées ma vie durant. Ces jours qui passent, les instants… tes astres.
Moi, indécis, au croisement des chemins, tel un poteau.
À l’aurore le ciel, derrière l’immeuble sombre qui fait coin, sali par les postillons des vies agitées, se clarifie en une aura de transparence.
Petite Ourse
Ce jour-là tu m’as éveillé pour pouvoir suivre tes chemins, marcher de par ce vaste monde .
Je marche à travers le balancement des herbes ( les herbes ondulantes) qui poussent sur les sommets des dunes, flottements, glissements.
Oui ! Parfois, les herbes des dunes, un bref moment, ondulent dans un tourbillon de derviche.
Au loin, j’aperçois, parmi les éphémères ressacs des vagues, les roches surgissent de l’écume.
Fins éclairs tout proches.
L'effervescence de l’océan, le vent doux ce jour-là.
À chaque pas les dunes se transforment, par le sable qui glisse imperceptiblement, sous mes pas.
Les petits nuages de sable soulevés par la brise, ininterrompue du vent du Nord.
Une mouette parmi les mouettes, peut-être toutes.
Un bigorneau parmi les bigorneaux, un oursin au milieu des algues, des moules et trois poulpes, une étoile de mer, plein d’étoiles de mer qui se montrent en ces jours de nouvelle lune, comme pour faire, lors de la marée basse, une carte du ciel. Bouteilles, gants, ciseaux, cailloux, galets.
Étoile filante
En cette matinée désaltérante, pressage d’une journée de canicule, une éblouissante femme surgie de la chaussée, déclame des refrains exalte la lea qualitées des figues quelle désire vendre. Elle marche entre soleil et ombre, dans un quartier de grands immeubles. Quelqu’un l’appelle d’une fenêtre d’un 5èmeétage, elle monte les escaliers, la porte de l’appartement est ouverte, elle reste sur le palier soulève la corbeille de dessus sa tête, la pose à ses pieds, puis déploie les tissus blancs qui cachaient les figues, prend une belle poignée, puis une autre, et encore, les exhibe, les échange contre quelques pièces d’argent.
Ces figues à la peau de nuit chaude, bien mûres, déhiscentes, nids de vieilles étoiles, semences d’astres. Nourrissantes.
Face caché de la Lune
Assis, dans le coin du troquet, peau noire, deux étoiles sur son visage, yeux qu’observent devant lui des vapeurs émanant d’une tasse de boisson foncée, des bulletins de jeux de hasard, un paquet de cigarettes, un cendrier, des papiers froissés.
Étoile Filante
Nickel tombé ce porte-bonheur. Nickel que le gamin jouant dans les rues de Bâton Rouge ramasse.
Soleil de Midi
Un habitant de l’Arizona U.S.A., cherche dans le désert des météorites, des minerais tombés du Ciel, ces lambeaux de chrysalides d’où sont nés certains anges. Il en fait commerce de ces beaux morceaux de coquilles vides, d’infimes fragments de trésors remarquables.
Étoiles Filantes
Paysans pauvres qui font les vendanges, enjoués invitent l’étrange passant à venir partager le premier jus fermenté, raisin foulé par leurs pieds, adouci par leurs rudes chants.
Celui qui se trouvait au coin de deux rues à Paris, regardait vers le ciel ; bougeait, ondulait, murmurait, souriait. Distrait de ce qui l’entourait.ceux qui additionnent les chiffres.Groupe de personnes marchent hagards par ce chemin sinueux, fuyant guerres, ridées par la perplexité.ConstellationCelui qui feint ou celle qui peint.Celui qu’habite. Elle qui demeure.Celles et ceux qui parlent peu.Ceux et celles qui parlent.Celles et ceux qui conversent.Ceux-ci, celles-là bavardent.Aussi… tant de cris.Étoile FilanteDes jeunes enfants couraient après les grenouilles les prenaient, les embrassaient. Dans leurs mains une princesse, un prince sait-on jamais. Leurs yeux, leurs lèvres, leur peau ; eux le savent.SphinxQuelqu’un s’égare, sursaute, perd son chemin, sa légende, s’embourbe, marche, sourit, grimace.SatelliteUn jeune homme, une jeune femme belle appétissante, assis sur un banc de café, l’une à un bout l’autre à l’écart. Elle s’incline une cigarette à la main –classique - pour lui demander du feu. Plus tard, ils parlent, elle fume, fume. Il se lève va acheter des cigarettes, revient, lui donne un paquet.Elle se lève lui sourit, s’en va. Soudain il semble s’éveiller va partir, surgit alors le garçon ; il doit payer sa consommation, s’exécute et sort, dehors sur le trottoir il s’arrête, scrute.Poussière d’Étoiles La couleur bleue de ce grand tableau au format 220x220 cm qui fut peint avec rigueur, plaisir et patience. Bleu d’un mélange de divers pigments pour obtenir un ton nuit sans étoiles. Espace dérisoire entre tes morts et tes naissances, une lumière en éclosion, évocation, incantation. Bleu extrême, lumière en transit, en bal, surgie de toute part, surface aussi de vérité, d’ondulation, d’intervalle, permutations de lumières à lumières, discrétion qui se dit aussi par les chants des nuits estivales.L’AstreToi.Y-a-t-il une seule nuit de silence ? Séparé de toi, sous une épaisse couche de nuages. L’obscurité et presque silence. Mémoire de t’avoir vue. Pas de vent, mer d’huile, grincements des matériaux dont est fait cet esquif, se trouvant si loin, à l’écart de tout monde connu. Probablement, à terre, du côté de l’Ecosse, et, comme il est évident ; ces bruits subtils seraient le fait d’un esprit-frappeur. Tu te trouves par ici.Le bateau ne tangue plus, immobilisation. Quasi-quiétude, quasi-interruption, si ce n’était le bois qui travaille. Quelque rare clapotis. VénusEt aussi tu t’insinues dans tout chemin, joie d’imprévu, par des journées sans nuage de la saison hivernale. Ces nuits longues, favorables pour les fêtes et le recueillement. Nuits propices. Se laisser emporter par la fine vibration, les éclats dispensés dans les étendues de toute ton immense aire.Par ce pluriel que tu m’offres : une bougie aux 4/7èmes consumée. Par souci d’économie dans la pièce du fond pend au plafond une ampoule de 25 watts éteinte. « Tiens ! à propos… tout près d’ici se trouve la rue Watt. »Dans le tiroir aux 3/4 ouvert une grande lampe de poche, éteinte.OrbiteLe feu qui clignote annonce un conducteur responsable conduisant la voiture qui roule devant, nous avisant ainsi de son intention ; c’est un fait courant partout où des véhicules à moteur roulent, la prudence l’exige et c’est une particule parmi l’infini des particules qu’en faisant notre chemin, nous croisons. C’est comme une feuille blanche. Étoile FilanteEn marchant sur un de tes sentiers, j’ai aperçu un jour des gosses assis sur le rebord d’un mur rustique fait de pierres savamment posées les unes contre les autres sur les autres en dessous des autres. Ils balançaient lentement leurs jambes, pieds nus, ayant chacun un bol posé sur les genoux, les jambes croisées la main tenant une fine paille portée entre la commissure de leurs lèvres et dans un très discret sourire espiègle, narguant le passant, ils soufflaient. Par le bout des pailles sortaient des bulles de savon, grandes et petites, et, même des moyennes, d’autres plus grosses. Autant d’arcs-en-cielMarsDes plantes diverses, parfois des arbrisseaux, poussent dans le moindre écart du macadam, dans les fissures du béton, entre les dalles, entre les pavés, dans un trou du ciment les racines de quelque herbe pénètrent, aussi entre les roches et rochers, dans les gravillons ; fleurs vives d’autres fanées émergent, des pots, bocaux, vases ; dans les chemins, beaucoup sont écrasées par les roues des tracteurs, les sandales des passants, meurtries par la pisse des chiens, les crottes des pigeons, les griffes des félins.ConstellationTrois yeux pour le gars.Un est ouvert et deux sont fermés.Deux s’ouvrent et un se ferme. Parfois, tous les trois sont ouverts.Trois mains, deux pour l’une, une pour l’autre ; elles se croisent, se posent, s’échangent, se serrent, se retournent. Une fait le poing, une est aplatie ses doigts bien écartés et étendus, l’autre pend ramollie.Trois pics de montagnes vues au loin dans un pays étranger. D’un pic sort de la fumée, les deux autres sont maintenant cachés par les nuages. Un rapace vole plus bas. Quelque part deux autres rapaces. Où sont passés les oisillons. Comme dans un conte, un berger cherche son biquet.Trois sœurs. Belles… ces trois sœurs ; deux sont assises, une se trouve debout. Les montagnes derrière leur dos.Trois pompiers. Il n’y a pas le feu au lac.Trois pommiers, deux ont des pommes, l’autre est encore en fleur.Trois joueurs de cartes aucun ne semble tricher. Un parmi eux a bu un coup de trop.Trois voyageurs ; un garçon, deux femmes, pour deux trains et une bicyclette. L’un d’eux est parti en dernier. Parfois, il est bien pénible de rester ensemble, souvent c’est dur de se séparer.Trois lunes et cela est une autre fable.Ici où je me suis posé, là où je bouge, la variété de la nourriture en quantité et en qualité n’a pas de limites: brocolis, « spinach », choux-fleurs, tige de lotus, chrysanthèmes, magnolias, pâquerettes, lotus, pensées-suisses, eucalyptus, chardons, artichaut, choux de Bretagne, capucines, haricots mange-tout, aubergines, cocos – haricots bien sûr -, poireaux, pois gourmands, hérissons, pommes, noix, cerises, chevaux. Alors pour ce qui est de la nourriture de l’esprit il en faut au moins le (un) lieu démesuré.UranusTel Gulliver, tel Micromegas en se promenant l’air de rien, tellement de choses à toucher, à caresser des yeux, à humer, à entendre. De loin, de très loin, des particules de ta magnitude, pourtant elle est si proche. L’abondance des musiques. Ici un point insignifiant parmi tant de points infimes qui se décachettent, exposant des variétés, surprenantes possibilités d’un univers parmi les mondes. Dans une paillette, brillante les éclats fins éloignés des nébuleuses, vapeurs fuyant entre les bleus instables de la nuit.Trou Noir La soif de mon frère; crue qui l’a emporté.Et la soif d’une très chère amie qui est partie.EclipseDouces lumières, réminiscences d’un splendide éclair, pourquoi me laisses-tu m’endormir, m’endurcir, me distraire ?Des sources occasionnelles surgies des roches ; résignation, terres à l’abandon ;Soif inapaisable, abondante qui nous préserve de la chape de l’utile, et, tout peut être miroir pour te surprendre.Étoile du BergerToi, empreinte féconde du lait jailli du sein juteux d’une femme adulée, disparue, puis oubliée, pourtant animée, vivante par l’intelligence que tu offres.De fait en fait, de surprise en surprise, tournent en spirale, avancent, meurtris, enivrés aussi, pères de délicieux nectars, mères qui vont et viennent, le parcours de la fontaine, rencontres autour d’un puits. D’autres dorment contre des barriques de chêne.Inventions, de boissons capiteuses. Eau fraîche, eaux de mines, jus de nèfles. Verres en cristal, bols en terra-cota. Buvons tout notre saoul.Pour avoir oublié ton éclat, tes éclipses, nous les assoiffés, rusés supplions ton feu suave de nous désaltérer. Toi, dans un chuchotis, nous invites à boire les gouttes de rosée rare étalées sur les feuilles des frêles plantes qui se trouvent en dessous du tilleul où nous les amoureux aimons nous ébattre, dormir, rêver. Tu nous offres vigueur, réitères notre désir.ÉclairsTant et tant de soleils, se sont présentés pour nous dévoiler la succession des mondes. Étoile FilanteUn pique-nique comme d’autres pique-niques ; une nappe de coton rose posé à même le sol, comme beaucoup d’autres nappes qu’a cet instant-là sont posées sur le sol. Les sandwichs, les verres, les boissons, les fruits, les salades, les saucissons, les fromages. Les convives forment comme une vague, agités, le temps de chercher une place pour se poser. L’inévitable colonne de fourmis agace les uns, amuse les autres, certains restent indifférents. Le soleil filtré par les aiguilles des pins, ces arbres forment un cercle favorable, dans lequel nous, ceux en chair et os, marquons un rythme, une danse qui se fait au son de la mastication, de l’absorption, des rires, de la déglutition, du bouge-que-bouge-pour-changer-de-position. Paroles douces adressées aux enfants, des engueulades aussi, des palabres, des conversations qui se coupent et s’accouplent les unes aux autres, forment l’orchestre du-fait-commun-de-se-nourrir-boire-et-divertir, ce petit monde danse les top-ten des pique-niques. Des guêpes volent, agacent, effrayent. Vu de loin, un chuchotement, de bien plus loin, il faudrait un flibustier pour discerner.Feux d’ArtificeClapotis dans l’eau du ruisseau, scintillante, argenté, diamantine, grâce aux vaguelettes formées par l’eau qui se faufile entre les galets, les bois morts, les racines des saules-pleureurs.Manhattan est un astre, une roche parmi les roches.Pâtir, de t’avoir si souvent oublié en cette existence, habitant distrait, vagabond, asséché par les passe-temps, fourbi d’intellects touristes.RotationCirculer entre les allées, les rayons de produits alimentaires, remplir peu à peu le caddy tenu au bout des bras tendus, geste convenablement dynamique ; et pourtant, cette déambulation, ces mouvements, t’appartiennent. Eh, oui !…Le coup de téléphone fâcheux. Le chien tenu en laisse et sa maîtresse. La voiture mal stationnée embarrasse le passant. Les réverbères automatiques, s’éteignent dès que les derniers génies s‘en vont.Déclin nocturne. Toi ! Voie des aurores.SaturneJe me suis recueilli devant votre tombe.Derrière moi deux tilleuls. De leurs grands troncs, ils forment comme une porte, leurs branches et feuillage se fondent dans une ample et volumineuse boule.En haut sur chaque face de l’obélisque en granit qui surmonte votre tombe, des bas-reliefs figurant des tibias croisés surmontés d’un crâne. Un petit rire comme un spasme vient rythmer ma tentative de prière. Depuis un sourire plus ou moins manifeste, éveille mon sang.Comète Se recueillir face au désert, sous le sphinx instable d’un ciel incommensurable, à l’heure où il ne fait plus trop chaud, lorsque les premières étoiles commencent à scintiller. Le tombeau du plus grand des héros est vide, pour lui, je quête l’émotion durable dans le rythme du déplacement quasi imperceptible des dunes capricieuses, qui devant s’étendent à perte de vue. Les corps en cendres, les fosses communes, les engloutis, les expulsés, l’innocence qui n’a pas de tombe gît sous les décombres, brûle sous les bombes, déchiquetée par guerres et razzias, condamnés, égorgés ou convertis.Embarras, manque de larmes pour mes yeux perplexes, asséchés, peinés.Étoile PolaireOù est passée Shahrazade ?Elle qui a tant conté. Où continue-t-elle de dire tes lumières . Elle, ton excellent barde, quel déguisement a-t-elle pris pour chanter tes mondes ?Le souffle de sa bouche métissé à ses paroles suaves qui content, parmi d’autres émanations, habite les vents. J’aime tant sentir le vent, entendre ses sifflements, ses mélodies, le chant sifflement de Shahrazade. Remué par son passage, son toucher sur mes mains, mon visage, qu’il soit tiède, froid ou chaud. Les vents vaisseaux, transportent les paroles des conteuses et des conteurs, les invocations des guerriers, des sorcières et des amants qui jouent. Les jurons des marins, les éclats de rire, sans retenue, parfois feints - des jeunes enfants, l'exhalation de la joie des amies. L’arôme des portes s’ouvrant sur la plénitude qui saisit les lieux. Brises qui portent aussi le souffle des agonies, l’inspiration du nouveau né. Les orages, c’est une autre histoire ; celle des paroles blessantes, des cris de ceux qui souffrent, des mots de trop, des observations puériles, dérisoires.Et les vents d’étoiles.Où est passée Shahrazade ?Nuit de GoudronAyant longtemps cherché des trésors.(interruption) À FAIREAversesLes étoiles filantes vues à travers une fenêtre à double battant ou à guillotine, fermée ou ouverte, leurs traces me bercent me réconcilient avec la mémoire. Les compositions et les singularités de tes univers se dévoilent dans les rêves, ce four à pains.Un escrimeur m’a montré l’immortel paysage d’or. Là vibre et scintille cet or. Un midi qui n’en finit pas, ciel sans nuage, arc-en-ciel d’un seul ton s’étendant dans tous les sens, champs gras d’herbes en pleine maturation, bois vifs, murets fleuris par les pâquerettes, mousses, lichens, petites fougères. La terre du sentier, par endroits, encore humide et boueuse, effet de la pluie de la veille. Au loin la surface de l’océan dégagé. Des mouettes, goélands, hirondelles de mer se déportent d’ici de là. Scènes de la pièce absolue qui se joue.Les grillons lancent dans cette masse d’air ondulante, leur crissements tels des traits de flèches d’or, les criquets aussi, les courtilières et les cigales invisibles. Leur douce stridence en continu. Tous font la conversation, incantation à la chaleur de l’air, délicieux frémissement pour les sens. Le dos contre un châtaignier je me laisse fondre en cette infime trépidation.Ors d’or, comme des douces huiles qui rendent étrangement transparent ce jour aître (atrium) du temps vivant.Sur la boue du chemin, j’aperçois des empreintes de pieds, de pattes ; pieds de femmes, pieds d’hommes, de vieux, de jeunes, dans un va et vient, les uns marchent vite les autres lentement, traces de ceux qui portent de lourds fardeaux, d’autres qui passèrent comme en dansant, celles qui se déplacent légères. Des traces de renardes, des traces de chats et pour l’œil averti sillons de serpents et marques de lézards.La boue est l’empreinte des nuages.Derrière ma nuque je sens l’appel d’un point blanc.Ici dans ce pays il y a encore des poteaux de téléphone qui bourdonnent comme un essaim d’abeilles.Magnifique présence que ce jour, manteau fait d’étoiles filantes aperçues à travers une fenêtre à deux battants ou à guillotine.Cette nuit, quand les hulottes, les grands-ducs chantèrent et aussi des hiboux, des chats-huants. Dans l’intervalle, des nuages qui courent, en pleuvant ils se dissolvent dans la terre, la pétrissent, formant ainsi la gadoue, et passent encore et encore des étoiles filantes, ces anges, ces messagers qui viennent ensemencer sur terre. Oui !Ceci se passe à l’heure entre hélicoptères et jets.Pour toi, infatigable, quêter le geste premier, témoin des caresses échangées avec ton infini.Vent fort venant du vaste océan, main qu’écartant le mur de nuages qui vers l’est couvrent l’étoile qui en ce jour se lève. Vent qui me traverse et me fait entendre des secrets, que les grandes eaux lui ont confié. Brièveté de tout ce qui est grand. Oubli du foyer vidé de sa chaleur, oubli de la musique, des chants, des danses de mon pays éloigné à jamais. Les yeux fermés, en attendant que le sourire frappe et les ouvre pour reconnaître le monde par-dessus les ombres venues d’occident qui pointent et s’allongent ; passent Jeannettes, et Jacquots – s’il y en a parmi la foule – males, setters, godasses, vases, portails, clopes, lunettes, bagnoles, bureau de la poste, feuilles, fumées, arbres ; tout absolument tout, même si cela ne dure qu’un bref instant.En ce jour en passant par l’avenue d’Italie je n’ai pas levé les yeux plus haut que le quatrième étage de cet immeuble. Par une fenêtre entrebâillée, j’aperçois une femme qui joue de la harpe, la vibration a attiré mon regard.Je l’entends tout en roulant au milieu de cette masse vrombissante de véhicules. Un singulier concert de harpe accompagné par le ronronnement des moteurs tournant au ralenti, klaxons insistants, tintements de sonnettes de bicyclettes, pétarades de quelques pots d’échappement, chiens qui aboient, passants qui ne se disent pas bonjour. Façade d’un immeuble sans caractère fait d’aluminium et béton. Nous sommes là à l’arrêt, et je ne quitte plus des yeux cette harpiste, tel un fakir qui s’éprouve en regardant fixement en direction du soleil, ou bien pour quelqu’un comme moi qui est satisfait en regardant fixement une minuscule étoile de la galaxie qui aussi lance son air et peut-être que de sa mélodie née de cette femme qui joue de la harpe avenue d’Italie à Paris 75013. J’ai toujours eu une bonne vue pour fixer le lointain. Elle est toute à son instrument. Le défilé des voitures continue dans un vacarme transformé en un orchestre fortuit. Habillée large dans les tons clairs, contrastant avec la grisaille environnante, elle poursuit sa composition. Je suis ravi de me trouver bloqué dans notre véhicule. Il y a des moineaux aussi.Elle là haut assise presque immobile, talentueuse cette femme continue de ses doigts d’effleurer, suavement les cordes de la harpe, subtil mouvement ondulatoire, tout en apparaissant comme un parfait archer, lançant ses traits, perçant les fluides subtils qui font la transparence du monde qui nous entoure brisant ce que l’embouteillage aurait put avoir d‘épais.Des étoiles nous envoyant leurs fragrances. Le jeune garçon regarde une boîte posée sur ses genoux, d’où sort une ténue lumière dorée, trésor trouvé parmi les trésors qui firent naviguer Jim Hawkins.Quelques-uns parmi ceux qui passèrent par les îles lointaines se taisent souvent, passent inaperçus, gardent en mémoire la musique, les chansons du frémissement des arbres d’Eden. Lui, le jeune garçon, à ce qu’il semble, a réussi à ménager ces airs dans un coin de sa précieuse boîte. Quand il l’ouvre, il entend le très ancien manège qui tourne, tourne ; Inlassable.Quand il s’est réveillé de quel coté a-t-il ouvert les yeux, l’impressionnant vieux flibustier, vexé de ne plus pouvoir entendre les chansons des arbres d’Eden.Quand ils font la toupie, elles dansent, de leurs pieds touchant le plancher de cette vieille salle de bal, accouchant infatigables, des ritournelles désinvoltes. C’est très loin d’ici, au pays des pauvres, pour y aller il faut passer par la mer, plus d’un mois de voyage au bas mot, si quelque rafiot d’aventure y va.L’aigle dépose son ombre qui court dans un pays sans sentier, il est le plus proche ami et annonce les premiers astres à se montrer.